Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
La visite pastorale (de l'église paroissiale) donne quelques informations sur l'abbaye.
Le précis de la visite du diocèse de Genève, commencée en 1443 par Mgr Barthelemi, Evêque de Corneto et de Montefiascone (au nom de François de Mez), fut d'abord sommairement publié dans les Mémoires de l'Académie Salésienne [t. 6, 1883, p. 300], publié par M. le chanoine J.-M. Chevallier, avec pour source le manuscrit de Mr Besson, de la feuille 56 à la feuille 63. On en relève ensuite des commentaires par Louis Binz. La transcription intégrale fut enfin et heureusement effectuée par Paul Cattin, alors directeur des Archives de l'Ain.
La visite de Chézery est ainsi résumée : "Chésery, sous le vocable de N.-D., desservie par un religieux de l'abbaye à laquelle elle fut unie par le pape Clément [mais lors de la visite de 1481, ce privilège sera donné des souverains pontifes Clément et Félix]. On ne peut produire l'acte d'union qui avait péri avec les autres titres lors de l'incendie de cette abbaye [lire : du château]" [p. 310].
Cette visite avait été précédée par celles de Léaz et de Lancrans "Aya, sous le vocable de saint Amand, de la collation du prieur de Payerme, et Lancrans, sous le vocable de saint Amand, de la collation du sacristain de Nantua", et furent suivies par celles de Champfromier et de Montanges "Champfronnié, sous le vocable de saint Martin et Montange, sous le vocable de saint André, toutes les deux de la collation du prieur de Nantua".
Pour conclure ces visites, des remarques générales sont portées en fin des comptes-rendus. Elles concernent d'abord les églises, avec par exemple l'ordre de pratiquer une niche à gauche de l'autel pour y conserver Corpus Christi, de tenir de jour et de nuit une lampe allumée, de faire des statues des saints particuliers à chaque église et de peindre la figure du patron sur le frontispice de chacune, aussi de défendre les bans réservés à des femmes "ut nec in choro, nec in navi de coetero teneantur scamma mulierum sub poena excommunicationis", ce qui était souvent l'occasion de grabuge et de scandale.
Concernant les ecclésiastiques, ils sont trop souvent ignorants, parfois ne résident pas; on leur demande de tenir des registres des naissance et décès.
Quant aux réguliers xxx séculiers ?, il observe que, généralement, ils ne résident pas mais tiennent un religieux ???. Il défend expressément qu'aucun religieux ne soit seul dans les prieurés, mais qu'il ait un coadjuteur de son ordre.
L'auteur conclut : "En général, on voit par cette visite que les chanoines réguliers et les Religieux vivoient dans une grande licence, n'observant point ou bien mal leur règle, sans porter l'habit convenable de leur ordre et même la tonsure. Ils tenoient des chiens, des filets, des armes, chassoient impunément. On fit beaucoup de plaintes sur leur conduite qui était scandaleuse en quelques paroisses : on leur reprochoit aussi la fréquentation des personnes du sexe, sans parler de leur extrême ignorance. Le digne évêque donna tous ses soins pour les ramener dans leur devoir, et son zèle se fait voir dans les règlements qu'il leur donna".
Binz attribue à Clément VII (pape d'Avignon, 1378-1394), la faveur accordée de rattacher la paroisse au monastère : "Les cisterciens de Chézery devaient à un privilège récent le gouvernement de la paroisse du lieu. Répondant à leur vœu, Clément VII avait incorporé la paroisse au monastère, avec le droit pour l'abbé de désigner un de ses moines pour le ministère paroissial" [Binz, Vie religieuse..., p. 412 et note 3, qui mentionne le folio 159v].
30 juillet. Chézery.
Le susdit seigneur visiteur visita l'église paroissiale de Chézery sous le vocable de Notre-Dame, dont le curé est le seigneur abbé du lieu, à ce qu'on assure, qui a l'habitude de députer pour l'exercice de la cure l'un de ses moines, ayant, disent-ils, un privilège du pape Clément qui annexa la cure à l'abbaye, et présentement il députe à la cure messire Jean Deschênes, moine de cette abbaye, lequel privilège que l'on demanda à voir, ne put être vu car il fut brûlé, dirent-ils, avec les autres archives du monastère dans son château. Laquelle église a 59 feux et vus les défauts qui sont dans l'église, il enjoignit aux paroissiens de réparer ces défauts comme suit, à savoir :
Premièrement devant la fenêtre du corps du Christ, ils placeront
une toile peinte avec un Christ, un calice et une hostie.
Ils achèteront une custode pour porter le corps du Christ aux malades.
Une autre custode avec des verres pour la procession de l'Eucharistie, et
un voile blanc de soie qui sera tenu sur le corps du Christ.
Ils feront un petit vase tripartite pour tenir les huiles sacrées,
en étain.
Ils achèteront une nouvelle paix et une croix.
Ils feront un pallium devant l'autel, avec une étole et un manipule.
Ils feront de nouveaux chancels dans le chœur, avec des
planches […]
et feront dans ce chœur une voûte neuve en bois,
et le sol, et ils couvriront bien tout le toit de l'église, et ils achèteront
un vase d'airain pour porter l'eau bénite, avant deux ans.
Avant un an ils feront écrire un nouveau canon dans le missel.
Avant deux ans ils feront peindre l'image du patron au dessus
de la porte de l'église.
Ils achèteront de l'huile pour la lampe du corps du Christ, comme
ailleurs.
Avant noël, ils feront un inventaire seulement des
meubles concernant
l'église
Clercs
Jacques, fils de Jean d'Eloise, de la paroisse de Lancrans.
Mermet, fils de Pierre Duchenal (ou du Canal), de la paroisse de Samoëns.
Guillaume, fils d'Etienne Delaracine, de la paroisse de Lancrans.
André, fils d'Amédée Vuillermet, de la
paroisse de Chézery.
Pierre, fils de Jean Goguini, de la paroisse de Chézery.
Jean fils de Jean Jaque, de la paroisse de Burdigny.
Die XXXa julii. Cheseriacum
Supradictus dominus visitator, visitavit parrochialem ecclesiam de Cheseriaco,
sub vocabulo Beate Marie, cujus curatus est dominus Abbas loci, ut asseritur,
qui solitus est deputare ad exercitium cure unum ex suis monacis, prout dicunt
habere ex privilegio a Papa Clemente qui ipsam curam annexavit abbatie et de
presenti deputavit ad curam dompnum Johannem de Quercubus, monacum ipsius abbatie,
quod privilegium quamquam fuerit petitum videri non potuit, quia combustum
fuit, ut dixerunt cum aliis scripturis monasterii in castro ipsius, que ecclesia
habet focos LVIIII ; et visis defectibus in ecclesia existentibus injunxit
parrochianis ut defectus ipsos reparent ut sequitu, videlicet.
Primo ante fenestram Corporis Christi ponant unum pannum depictum cum Christo,
calice et hostia.
Item emant unam custodiam ad portandum corpus Christi infirmis.
Item unam aliam custodiam cum vitris pro processione Eucaristie et velum album
de sirrico quod supra impsum corpus Christi teneatur.
Item faciant unum vasculum tripartitum ad tenendum olea sacra de stagno.
Item emant pacem novam et unam crucem.
Item faciant pallium ante altare, unam stolam et manipulum.
Item faciant novos cancellos in choro de postibus [bene? grossis? et fagibus?]
et faciant in ipso choro voltam novam de lignis et pavimentum et coperiant bene
totum tectum ecclesie ; et emant vas ereum ad portandum aquam benedictam infra
duos annos.
Item infra annum scribi faciant novum canonem in missali.
Item infra duos annos depingi faciant imaginem patroni supra portam ecclesie.
Item sumptuent oleum pro lampade Corporis Christi ut in proximis.
Item infra kalendas faciant inventarium solum de rebus mobilibus spectantibus
ipsi ecclesie.
Clerici
Jacobus filius Johannis de Eloysia, parrochie de Lancrens.
Mermetus filius Petri de Canali, parrochie de Samoens.
Guiglielmus filius Stephani de Radice, parrochie de Lancrens.
Andreas filius Amedei VV(o)llielmeti, parrochie Cheyseriaci.
Petrus, filius Johannis Goguini, parrochie Cheyseriaci.
Johannes filius Johannis Jaque, parrochie Burdignini.
Source : AD74, 1G 98, (f° 159v). Il existe un microfilm aux Archives d'État de Genève et un autre aux Archives de l'Ain, à partir duquel Paul Cattin a fait la transcription. Copie en Arch. diocésaines (à Bourg), Ev. de Belley-Ars, 470, Alloing 6. (avec compléments mis entre crochets [...]).
Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Paul Cattin.
Publication : Ghislain Lancel.
Première publication, le 26 juin 2020. Dernière mise à jour de cette page, idem.